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Doctorante
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (ED 113)
Université nationale et capodistrienne d’Athènes
Sujet : Partage et organisation des savoirs au sein de l’enseignement supérieur européen au prisme du cas grec : une histoire transnationale (1830-1944)
Directeurs de thèse : Jean-Luc Chappey (ED 113, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) et Nicolas Manitakis (université nationale et capodistrienne d’Athènes)
Première inscription : octobre 2022
Cette présentation a été publiée dans la lettre d’information de l’IHMC d’avril 2025
Cette thèse entreprend d’expliciter les processus politique, matériel et financier qui sous-tendent la constitution d’un champ scientifique spécialisé en Grèce. Les dynamiques de spécialisation disciplinaires ont été peu interrogées dans l’historiographie, souvent réduites à des questions d’ordre épistémologique et relevant de l’histoire des idées. L’autonomisation des sciences physiques en Grèce entre le début du xixe siècle et le tournant du xxe siècle mérite pourtant d’être étudiée à l’aulne des enjeux de construction de ce jeune État, mis sous la tutelle des grandes puissances européennes. En effet, la présence d’un roi bavarois à la tête du royaume dès 1833 illustre cette ingérence, alors que le protocole de Londres établissait l’indépendance de la Grèce vis-à-vis de l’Empire ottoman le 3 février 1830. Dans un contexte de philhellénisme européen, l’université d’Athènes est fondée en 1837 selon le modèle universitaire bavarois, avec le projet de ranimer le berceau du savoir occidental de l’Antiquité classique. Ainsi, la philosophie, ou encore l’apprentissage des langues anciennes, bénéficient d’un prestige indéniable dans la première université grecque. Toutefois, les impératifs de modernisation étatique et la nécessité de s’insérer dans la dynamique continentale d’industrialisation incitent le gouvernement grec à favoriser la montée en puissance des sciences physiques dans la deuxième moitié du xixe siècle.
Cette étude transnationale du cas grec permet de rendre compte des circulations et des appropriations des modèles universitaires prédominants – français et germanique en particulier –, définissant ces frontières disciplinaires. Il s’agira de mettre en avant les arbitrages politiques et financiers qui façonnent matériellement la création d’un champ autonome pour les sciences physiques, recomposant les pratiques d’enseignement et l’organisation générale de l’université. Cela s’inscrit dans le sillage des renouvellements récents de l’historiographie, qui ont relevé la nécessité de prendre en compte de manière centrale les sources financières dans l’éducation.
En effet, la spécificité des sciences physiques apparaît à partir de la deuxième moitié du xixe siècle, car leur enseignement expérimental est coûteux et nécessite des aménagements spécifiques. Ainsi, la création de frontières disciplinaires se matérialise au sein des bâtiments universitaires avec la constitution d’amphithéâtres dédiés, de collections scientifiques spécialisées, puis d’un laboratoire de chimie expérimentale. En croisant les sources de comptabilité financière et matérielle avec des archives ministérielles, il s’agit de comprendre à quel point les sciences physiques sont considérées comme des « savoirs d’État », c’est-à-dire comme des sciences utiles au développement étatique, directement en lien avec les injonctions à la modernisation de la Grèce. Le cas grec constitue de fait un observatoire des circulations européennes permettant de mettre au jour les dynamiques politiques, matérielles et financières nécessaires à la constitution d’un champ scientifique autonome au tournant du xixe siècle.
Publié le 18 novembre 2022, mis a jour le mardi 29 avril 2025