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Séminaire de Master 2 et doctoral de l’IHMC–IHRF, avec l’université de Genève et les Archives Nationales
Sous la direction de Jean-Charles Buttier (université de Genève, ÉDHICE),
Pierre Serna et Côme Simien (université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, IHMC-IHRF)
2e semestre 2022-2023
Les mercredis de 17 h à 19 h
Salle Marc Bloch
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
17, rue de la Sorbonne, Paris 5e
et en visioconférence, sur inscription
Contact : pierre.serna@wanadoo.fr
« Apprendre la Révolution », le séminaire de recherches dirigé par Jean-Charles Buttier, Côme Simien et Pierre Serna, poursuit sa réflexion pour la troisième année (voir le programme de l’année précédente).
Il continuera le travail autour du rapport dialectique entre éducation et politique pendant la Révolution française sans s’y limiter puisque la charnière entre deux siècles est fondamentale, entre les projets des philosophes des Lumières et les réalisations pédagogiques des États naissant et s’affermissant au début du xixe siècle.
La figure de Pestalozzi est ainsi emblématique incarnant une innovation pédagogique qui s’inscrit dans la continuité d’un siècle marqué par l’intense réflexion éducative d’une part et qui rencontre l’évènement révolutionnaire d’autre part. Dans la seconde moitié du xviiie siècle s’est ainsi élargi l’horizon d’attente des pédagogues qui ont progressivement identifié leur public au peuple, tentant des expériences à un niveau personnel et local parfois, jusqu’à imaginer des utopies pédagogiques pour des sociétés entières.
Une révolution pédagogique et politique s’opère alors pour interroger toutes les formes d’éducation populaire. L’école n’est qu’un des lieux et des temps de l’éducation qui prend avec la Révolution française un sens civique. Le constant va-et-vient entre le terrain de la lutte politique et celui de l’innovation éducative devient ainsi un mouvement de fond qui se manifeste par exemple par l’insistance sur toutes les formes de vulgarisation ou « élémentation » des savoirs, y compris politiques. Tous les âges sont concernés par une première ébauche d’éducation permanente.
Dans son article consacré à l’histoire de la pédagogie écrit pour le Nouveau dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire (1911) sous la direction de Ferdinand Buisson, le grand pédagogue républicain Gabriel Compayré voit dans le xviiie siècle la véritable rénovation des études et des méthodes pédagogiques. James Guillaume, historien majeur de la politique éducative révolutionnaire a ainsi insisté sur le fait que Pestalozzi fut fait citoyen français par la Législative en 1792. En 1883, Georges Dumesnil publia une histoire de l’école révolutionnaire sous le titre La Pédagogie révolutionnaire. Ces deux auteurs ont souhaité mettre en correspondance ce que Dumesnil appelle « les documents pédagogiques » et Guillaume « les systèmes pédagogiques » (dans une Note sur l’instruction publique parue en volume en 1888) et les « régimes politiques » (Guillaume) ou « forces politiques » (Dumesnil). Ainsi, dans le contexte du Centenaire de 1889, les deux historiens analysent les projets politiques et éducatifs qui se succèdent tout au long de la décennie révolutionnaire.
Cette approche règlementaire fut reprise dans le contexte du Bicentenaire de 1989 par de grands historiens de l’école révolutionnaire, tels que Bronislaw Baczko ou Dominique Julia. L’introduction de l’ouvrage de Baczko qui analyse les projets révolutionnaires (Une éducation pour la démocratie, 1982) permet d’examiner le lien opéré entre éducation et politique : « La pédagogie est ainsi tour à tour, le déterminant et le déterminé d’une politique. » Cette relation étroite entre pédagogie ou éducation et politique est centrale.
Mona Ozouf publia en 1989 un recueil de ses articles intitulé L’homme régénéré dont elle détaille le projet en étudiant l’expression « pédagogie révolutionnaire » utilisée par Dumesnil un siècle plus tôt mais dans un sens très différent : « C’est donc autour de la pédagogie révolutionnaire que tourne ce livre, bien qu’il n’aborde jamais les contenus pédagogiques proposés par les réformateurs révolutionnaires de l’Instruction publique. » Elle précise plus loin que « L’école ici prend un sens extraordinairement dilaté : elle se confond avec la Révolution elle-même. » De son côté, Dominique Julia a participé au Dictionnaire historique de la Révolution française et, faisant référence à l’analyse de l’école par Ozouf sous l’angle du transfert de sacralité ou bien se référant aux travaux de Baczko et à son étude de l’œuvre scolaire révolutionnaire sous l’angle de l’utopie, Julia insiste dans son article sur la dimension patrimoniale des projets révolutionnaires : « Surtout, elle a fait de l’école un vecteur d’émancipation, creuset d’une égalité démocratique entre les citoyens, agent actif, par l’accès à la culture qu’elle procure, d’une promotion sociale due au seul mérite. »
Vingt ans après le Bicentenaire, en 2009, Jean-Luc Chappey a dressé un bilan historiographique au titre significatif, « Les écoles de la Révolution : pour en finir avec la thèse de la table rase », qui illustre les enjeux contemporains de cette histoire de l’éducation révolutionnaire dans un sens extensif : « En l’an II, la pédagogie envahit tout l’espace social et politique. » En 2013, l’historien de l’école révolutionnaire René Grevet a consacré un article à la question dialectique suivante : « L’école de la Révolution à l’épreuve de l’utopie réformatrice. » Il a analysé « le fait scolaire en révolution » pour aboutir au constat d’un « décalage entre les espérances révolutionnaires et les réalisations » d’une part mais aussi pour constater que la Révolution a jeté « les bases d’une instruction publique sous le contrôle d’un État enseignant. »
Dans la continuité de ces travaux qui embrassent l’éducation ou la pédagogie révolutionnaire dans un sens étendu et mêlent éducation et politique, ce séminaire sera organisé autour des axes suivants :
Le rappel de ces enjeux avait permis l’année dernière d’introduire une nouvelle problématique, celle de la sécularisation de la société, de la politique et de l’enseignement. Peut-on parler de laïcisation ou de « pré-laïcisation », comme le suggère Jean-Charles Buttier dans un récent article sur l’enseignement de la morale ? La question est d’importance car elle désamorce quelque peu l’idée d’un transfert de sacralité vers les institutions républicaines et met en valeur au contraire l’autonomisation des nouvelles formes du contrat social, politique et pédagogique émergeant avec ses impératifs civils et civiques nouveaux durant la période. Qu’est-ce qu’un enseignement laïc dans cette société qui vient de connaître une guerre civile aussi provoquée par la question religieuse ? Comment reconstruire un nouveau pacte républicain à partir d’une éthique nouvelle et de nouveaux cultes républicains ?
La conférence de Philippe Boutry est venue complexifier et enrichir la problématique puisque la question du culte d’Etat a été posée comme une hypothèse de recherches fortes qui remettait au centre du diptyque Révolution et éducation le troisième terme de religion. La fin de la Convention et la période du Directoire seraient venus confirmer l’impossibilité de se séparer du culte fut-il républicain comme la théophilantropie, tel le pilier moral de l’éducation républicaine. La religion sortie par la fenêtre de 1793 rentrerait de nouveau dans le jeu politique, social et sociétal de la République en train de se fonder. Irritante l’hypothèse mérite d’être approfondie avec ouverture, rigueur, et méthode. Ainsi le terme religion vient interroger et relancer les questions que nous nous posons sur le processus de républicanisation par l’école et sa mise en concurrence avec une religion à son tour revigorée et ayant conservé une importance non négligeable dans l’opinion publique
C’est l’enjeu de ce troisième semestre de séminaire que d’interroger ce triangle composé des sommets, République, éducation et religion.
C’est presque de façon logique donc que s’est imposée à nous l’idée d’un hommage à Bronislaw Baczko. Disparu le 29 aout 2016, peu d’institutions scientifiques, à notre connaissance, notamment où il a œuvré, lui ont rendu un hommage à la hauteur de son apport aux études révolutionnaires. Modestement, nous consacrerons aux aspects de son œuvre qui interroge l’éducation, mais aussi la politique républicaine, une demi-journée d’études pour évoquer sa mémoire, mais surtout pour interroger l’actualité et la modernité de son travail, qui nous inspire et demeure incontournable pour appréhender ensemble la question de la régénération par le savoir, celle du régime politique et la modernité des rapports entre les églises et le pouvoir républicain.
17 h – 19 h
Côme Simien (maitre de conférences, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
Cette séance était initialement programmée pour le 5 avril.
17 h – 19 h
François Hildesheimer (conservatrice honoraire), Nils Renard (doctorant IHMC, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
17 h – 19 h
Pierre Serna et Rita Hermont Belot (EHESS)
« La conférence Alphonse Aulard » sera prononcée en ouverture par Rita Hermont Belot (EHESS)
Cette séance était initialement programmée pour le 22 mars.
17 h – 19 h
Marie Ranquet (conservatrice du patrimoine), Cécile Parcé (attachée de conservation)
La séance se tiendra aux Archives Nationales (Pierrefitte-sur-Seine, 91)
17 h – 19 h
Paul Chopelin (maitre de conférences, université Lyon III Jean Moulin)
La séance se tiendra aux Archives Nationales (Pierrefitte-sur-Seine, 91)
9 h 30 – 13 h 15
Demi-journée de clôture,
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