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Docteur en Langues et littératures
École normale supérieure – PSL
Sujet de thèse : Prophète hors de son pays ? — La réception des Essais de Montaigne en Chine : des premiers échos aux premières traductions (1886-1943)
Cette thèse a été publiée en septembre 2023 sous l’intitulé Montaigne en Chine (Éditions du Lérot) avec le soutien de Translitteræ.
Directrice de thèse : Isabelle Pantin
Première inscription : septembre 2017
Date de soutenance : 28 janvier 2022
Composition du jury :
Cette présentation a été publiée dans la lettre d’information de l’IHMC d’octobre 2021.
Cette thèse concerne la réception des Essais de Montaigne en Chine entre les années 1880 et 1940. La première mention de Montaigne dans un texte chinois et la publication des premières traductions justifient cet arc chronologique. L’introduction de Montaigne en Chine coïncide ainsi avec la période de modernisation de ce pays. Le regard que les lecteurs et plus précisément les milieux intellectuels chinois a porté sur cet auteur français du xvie siècle a connu, durant cette période de plus d’un demi-siècle, des changements importants en fonction des façons d’envisager la réalité chinoise et l’avenir du pays.
Montaigne est présenté, successivement, par des missionnaires protestants en vue de diffuser en Chine le « savoir occidental », puis par des pédagogues, des essayistes et des poètes chinois. Notre période peut ainsi être divisée en deux parties : jusqu’au début du xxe siècle, Montaigne est considéré comme l’un des premiers pédagogues modernes ; ensuite, c’est l’essayisme de Montaigne qui commence à attirer l’attention. À travers l’ordre de la découverte des différents aspects des Essais, nous suivons l’approfondissement des connaissances des intellectuels chinois sur la pensée européenne. Dans la première phase, Montaigne se trouve à la tête d’une liste de pédagogues établie vers 1900, et qui incluse Comenius, Pestalozzi, Locke, Rousseau et Herbart. Deux essais « Du pedantisme » et « De l’institution des enfans » comptent pour l’ensemble de l’œuvre de Montaigne, et celui-ci devient un philosophe de type confucéen qui dicte sa pensée sous forme de citations. Dans la seconde phase, Montaigne apparaît comme le chef de file de l’essayisme moderne dont la définition est, selon plusieurs auteurs chinois, fondée sur la tradition anglaise et enrichie par les traditions chinoise et japonaise.
Après être apparu dans des écrits de natures diverses, comme le manuel de l’histoire de la littérature française ou européenne et l’anthologie des pensées européennes, Montaigne est partiellement traduit dans les années trente : en 1930, par le pédagogue chinois Lei Tongqun (1888- ?), entre 1933 et 1943 par le poète Liang Zongdai (1903-1983). Lei n’a traduit que les deux chapitres mentionnés précédemment du premier Livre des Essais, s’appuyant principalement sur l’édition japonaise de ces deux chapitres séparés, publiée deux ans plus tôt ; il a aussi consulté la version anglaise contenue dans la traduction intégrale des Essais par Charles Cotton (xviie siècle), et notre analyse de la traduction chinoise prend donc en compte ces deux éditions. Mais Montaigne entre définitivement dans le canon des auteurs fondamentaux grâce aux travaux de Liang Zongdai : pendant dix ans, il publie régulièrement dans des revues périodiques ses traductions d’essais tirés du Livre I, 36 au total. Liang connaissait le français et était sensible à l’art poétique. Sa volonté de restituer le style de Montaigne est manifeste. L’analyse de sa traduction permet de comprendre comment, jusqu’aux années quarante, les Essais sont interprétés comme un texte littéraire plutôt que philosophique.
Publié le 23 octobre 2017, mis a jour le jeudi 24 octobre 2024