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Docteure en histoire
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (ED 113)
Anne Loyau est membre associée de l’IHMC depuis janvier 2023.
Sujet de thèse : Ethnologie et muséographie. Une histoire de l’ethnologie à partir des pratiques d’exposition, du second Musée d’Ethnographie du Trocadéro au premier Musée de l’Homme, 1928-1947
Directeur de thèse : Jean-Luc Chappey
Date de première inscription : 2020
Date de soutenance : 17 décembre 2022
Jury de soutenance :
Cette présentation a été publiée dans la lettre d’information de l’IHMC de juin 2021.
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, parmi les intellectuels français qui, à la suite de Paul Valéry, choisissent « l’optimisme de la raison », certains s’engagent dans la réforme du champ anthropologique, d’autres dans celle du champ muséal. Au rang des premiers, Marcel Mauss, Lucien Lévy-Bruhl et Paul Rivet travaillent à l’organisation des études ethnologiques en acceptant d’éclairer l’administration coloniale dans sa « mission civilisatrice ». Pour les seconds, l’historien d’art Henri Focillon plaide pour une modernisation des musées, afin de faire de l’édification artistique des peuples une voie de pacification des esprits. La politique du Cartel des gauches vient fournir les assises institutionnelles nécessaires au déploiement de ces programmes par la création de l’Institut d’Ethnologie et de l’Office International des Musée, respectivement en 1925 et 1926. À partir de 1928, ces dynamiques ethnologique et muséale président à la réorganisation du Musée d’Ethnographie du Trocadéro, puis l’édification du Musée de l’Homme. L’activité de documentation des archives de l’humanité, devenue partie intégrante de la formation des ethnographes pour préparer leurs enquêtes de terrain, s’en trouve reconfigurée.
Dans cette thèse est examinée l’incidence de la modernité muséale sur l’édification disciplinaire de l’ethnologie à partir de l’analyse des expositions. La période considérée débute en 1928, avec le rattachement du Musée d’Ethnographie du Trocadéro au Muséum national d’histoire naturelle qui suit l’élection de Rivet comme professeur titulaire de la chaire d’anthropologie ; elle s’achève en 1949, moment d’une rupture muséographique et fin de la période de domination (si l’on exclut l’Occupation) des fondateurs de l’Institut d’Ethnologie sur le champ anthropologique français – hormis sous l’Occupation.
L’étude des expositions se fait selon deux axes de recherches : le premier concerne l’activité muséographique en tant que pratique sociale et matérielle ; le second, le contenu des expositions (thèmes, dénominations, discours sur les objets et réception). Cette étude repose sur le dépouillement de plusieurs fonds d’archives du Muséum portant sur les réorganisations successives des deux musées, les correspondances administratives et privées, les notes et ordres de services, les dossiers individuels des personnels et des coupures de presse. Des fonds des Archives nationales concernant ces musées sont également consultés, de même qu’un important corpus photographique conservé au Musée du Quai Branly. Ces sources sont mises en perspective avec les publications des acteurs.
Cette approche de la fabrique des expositions, côté coulisse et côté scène, permet de comprendre la façon dont la science ethnographique se construit et d’en suivre les transformations. Elle apporte de nouveaux éclairages sur les relations entre l’ethnologie, l’entreprise coloniale et la question esthétique. L’inscription dans la modernité confère une visibilité et une légitimité au nouveau corps savant des ethnographes et à l’ethnologie, mais elle lie encore cette science à l’étude des collections. En revanche, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, d’autres conceptions anthropologiques émergent : en s’émancipant de cette attache aux collections, elles font perdre au Musée de l’Homme sa centralité dans ce champ de savoir.
Publié le 8 janvier 2021, mis a jour le jeudi 24 octobre 2024